Texte et Texture


Ce texte explore l’interconnexion entre l’acte d’écrire et l’art de l’impression 3D, deux domaines où la forme et la pensée se façonnent en un dialogue continu.

Entre l’écriture dans son essence éthérée et l’impression tridimensionnelle dans sa corporéité, l’écart semble incommensurable. Pourtant, sous un regard analytique, des similitudes manifestes se dessinent, offrant une tessiture d’échos entre ces deux mondes.


Structuralismes croisés : De l’écrit à la mécanique de l’impression 3D, Dall-E Open Ai

I Le rectangle comme lieu d’expression :

La base d’une imprimante 3D, sur laquelle commence le processus d’impression, se révèle être comme un écho de la page que l’écrivain perçoit avant d’y inscrire ses mots. Le rectangle, dans sa banalité apparente, n’est-il pas, dans les deux domaines, un espace sacralisé d’émergence ? Il n’est pas qu’une forme mais un concept : un théâtre de potentialités, à la fois contraignant par ses frontières, mais libérateur dans ses possibilités infinies. La géométrie se métamorphose ici en une promesse, une rigueur qui suggère autant qu’elle contient, un lieu de naissance des formes et des idées.

II Linéarités entrelacées :


Au fil de l’impression, les dépôts filamentaires se superposent, construisant la matière strate après strate, tout comme un texte se déroule au fil de la lecture, ligne après ligne, esquissant une histoire. Ces « phrases filaments », qu’elles soient issues de la matière ou de l’encre, ne préfigurent-elles pas l’achèvement d’une œuvre ? Elles insinuent une direction, une intention, et chaque ligne, chaque couche, annonce subtilement ce qui est à venir, comme une prescience discrète du chef-d’œuvre en gestation. Chaque couche imprimée boucle son parcours en revenant à son point de départ, évoquant le cycle complet d’une phrase qui s’initie par une majuscule et se clôt par un point.

III Profondeur, Relief et Significations Multiples:


Tout comme l’impression 3D manipule la densité de la matière pour créer du volume, faisant surgir des ombres et des reliefs à partir d’une surface initialement plane, le texte littéraire, lui, transcende la superficialité de ses signifiants pour plonger dans une densité de significations. Il ne se contente pas d’effleurer la surface du sens, mais s’enfonce profondément dans une forêt d’intertextualités, où chaque mot, chaque phrase est en écho avec d’autres, créant un réseau complexe de signifiances. Ainsi, face à la tridimensionnalité matérielle érigée par l’imprimante, la littérature sculpte son propre relief sémantique, un paysage luxuriant de métaphores et de références, métamorphosant le banal en œuvre d’art. L’aspect caché du remplissage, tel les intentions tues d’un texte, demeure essentiel à la structure de l’objet fini, bien qu’il puisse parfois transparaître à travers la surface. Qu’en est t-il du sous-texte d’une œuvre littéraire ?

Le Texturalisme

Le Texturalisme tire son nom de la fusion des mots « texte » et « texture »,

deux termes qui, à première vue, semblent évoluer tantôt dans des au-delà, tantôt dans des en-deça dimensionnels, mais qui, dans le cadre de ce mouvement littéraire, s’entrelacent. Explorons ensemble cette fusion :

Texte : Au cœur de toute œuvre littéraire se trouve le texte, ce véhicule de pensées, d’émotions et d’idées, qui, à travers les âges, a pris d’innombrables formes et styles. C’est cette base, ce fondement, que le texturalisme choisit comme point de départ. le texte s’inscrit dans une dimension bidimensionnelle. Sur la page, les mots s’alignent horizontalement et verticalement, évoquant largeur et hauteur. les phrases et les paragraphes s’articulent dans un espace plat, celui du papier ou de l’écran.

La Texture : À l’inverse, la texture renvoie à une dimension tridimensionnelle.  Elle évoque une relative profondeur, un relief, une épaisseur. C’est la sensation ressentie lorsque l’on touche un objet, discernant ses irrégularités, ses aspérités, ses couches superposées. La texture suggère un espace qui ne se limite pas à la surface, mais qui s’enfonce, s’élève, se déploie en volume.

Tout comme en impression 3D, où l’on peut littéralement « sentir » les couches superposées d’un objet, le Texturalisme aspire à donner une « texture » au texte lui-même. L’idée est de permettre au lecteur de « toucher » le texte, de « sentir » ses différentes strates, tout comme on peut percevoir les différentes couches d’un objet imprimé en 3D. Le texte ne se contente plus d’informer ou de raconter ; il aspire également à être ressenti, à évoquer une certaine matérialité.

Elément Stylistique propre au Texturalisme

Ponctuation

Le signe de ponctuation a toujours joué un rôle essentiel dans la structuration et la mise en forme d’un texte. Dans le contexte du Texturalisme, qui cherche à établir un parallèle entre la littérature et l’impression tridimensionnelle, le choix du signe dièse (#) est à la fois audacieux et symbolique.

Raisonnement pour le choix du signe dièse (#) :

  1. Représentation graphique : L’aspect visuel du signe dièse rappelle effectivement les structures en treillis. Ces structures sont courantes dans le domaine de l’impression 3D, où elles offrent un support pour des couches successives de matériau. Cette représentation graphique établit immédiatement un lien visuel entre la notion de superposition en impression 3D et l’emploi de ce signe en littérature.
  2. Superposition : L’impression 3D est un procédé qui repose sur la superposition de couches. Le signe dièse, avec ses intersections de lignes verticales et horizontales, incarne cette notion. Il symbolise la juxtaposition, l’entrelacement et l’empilement, des éléments essentiels de cette technologie.
  3. Originalité : En littérature, le signe dièse est rarement, voire jamais, utilisé en tant que ponctuation. Son introduction en tant que tel est donc une rupture avec les conventions, marquant une évolution ou une révolution stylistique propre au Texturalisme.

Application dans le contexte littéraire :

Envisagez l’utilisation du signe dièse dans le remplacement des tirets. Par exemple, au lieu de « grand-mère », on écrirait « grand#mère ». Cette modification pourrait suggérer une fusion, une superposition ou une interaction entre les deux mots, à l’image des strates superposées en impression 3D.

Exemple : Dans une phrase comme « Mon grand#père et ma grand#mère sont venus me rendre visite », l’emploi du signe dièse insuffle une nouvelle dimension au texte, évoquant une connexion profonde, presque matérielle, entre les générations.

Plasticité Lexicale

La notion de « plasticité lexicale » dans le cadre du Texturalisme rappelle l’aptitude de la matière à être modelée, façonnée, en d’autres termes, à se transformer, tout comme le filament d’impression 3D qui, sous l’effet de la chaleur, devient malléable, fluide, prêt.

  • Suffixation en -oyant/-oyante:
    • Ce suffixe évoque une dynamique, une constante évolution ou transformation.
      Exemple:
      • « Sous l’éclat de la lune, l’étendue aquatique miroitoyante s’étale, semblable à un tissu chatoyant. »
  • Préfixation avec « re-« :
    • Il traduit une idée de répétition, d’action qui ne cesse de recommencer, évoquant ainsi un cycle ou un mouvement perpétuel.
      Exemple:
      • « Le vent reprend sa danse, renouvelant sans cesse ses caresses sur la crête des vagues. »
  • Suffixation en -issant/-issante:
    • Comme avec le suffixe « -ant », « -issant » suggère une action en cours, une transition ou une transformation qui est en train de se produire.
      Exemple:
      • « Les étoiles scintillent dans le ciel, leur éclat grandissant à mesure que la nuit s’approfondit. »
  • Préfixation avec « entre-« :
    • Évoque une transition, un état intermédiaire ou une hésitation entre deux moments ou deux états.
      Exemple:
      • « L’aurore s’entredévoile, le jour et la nuit entrechoquant leurs couleurs en un tableau éphémère. »
  • Suffixation en -uant/-uante:
    • Ce suffixe peut évoquer une continuité, un mouvement oscillant ou une transformation régulière.
      Exemple:
      • « fluctuantes flaques d’eau mélodieuses »

L’emploi de ces affixes renforce l’idée d’un langage en mouvement, en constante évolution. Tout comme le filament d’impression 3D qui, en passant de l’état solide à l’état visqueux, permet la création d’objets tridimensionnels, le langage, grâce à cette plasticité lexicale, se module et s’adapte, engendrant de nouvelles formes, de nouvelles nuances, et enrichissant ainsi le paysage littéraire. La langue, dans ce sens, devient un matériau malléable que l’écrivain texturaliste façonne selon sa vision et son inspiration.

  • Éviction des gutturales :
    • Dans le souci d’imiter cette douceur et cette fluidité, le Texturalisme préconise d’éviter les sons gutturaux, jugés abrupts et cassants, tels que les sons produits par les lettres Q, K, et G.
  • Éviction des conjonctions de subordination:
    • Les mots tels que « Qui », « Quoi », « Que », « Quels », et « Qu’ » sont également mis de côté. Ces conjonctions, souvent utilisées pour introduire des propositions subordonnées, peuvent introduire une complexité syntaxique qui va à l’encontre de la fluidité recherchée.

Motifs cycliques et Strates Syntaxiques

  • Motifs Cycliques :
    • Inspiré du moteur pas à pas des imprimantes 3D, qui opère en cycles répétitifs et saccadés pour positionner précisément le chariot, nous pouvons introduire ce motif dans la littérature en usant de phrases courtes, percussives et avec une forte présence de gutturales pour évoquer cette répétition rythmée.
      • Exemple : « Karl klaxonne. Coups. Grincements. Kick. Recule, kicke. Karine klaxonne en retour. Kick. Crépitement. Encore. »
  • Principe des Strates Syntaxiques :
    • Tout comme l’impression 3D superpose couche par couche pour créer un objet, nous pouvons structurer nos phrases pour montrer une dépendance de chaque segment sur le précédent, ajoutant du relief, de la profondeur et de la stratification au récit.
      • Exemple : « Quand le jour se lève, éclairant le ciel qui à son tour réveille la forêt, qui ensuite chante avec les oiseaux, tout se construit, chaque élément reposant sur le précédent. »

Le Texturalisme, à travers son immersion dans l’univers de l’impression 3D, nous présente en effet deux facettes contrastées : celle de la plasticité lexicale et celle du mouvement cyclique. La manière dont on choisit d’implémenter l’une ou l’autre dépend largement du message que l’on souhaite transmettre et de l’atmosphère que l’on désire créer.

Auto-réflexivité et Idéal Préexistant

Au cœur de l’impression 3D réside l’auto-réflexion, un acte d’introspection où la machine, telle une Pythie moderne, divague à travers les strates de son propre code pour se matérialiser. Ce processus se mire dans l’Allégorie de la caverne platonicienne, où les ombres dansent sur les murs non pas comme de simples répliques, mais comme des émanations d’un idéal supérieur, antérieur à leur incarnation physique. Dans cette quête d’auto-réflexion, l’objet à imprimer n’est que l’ombre portée d’un modèle parfait, une idée pure habitant le monde des idées.

Dans le domaine stylistique, le Texturalisme engage les figures de style dans une danse d’auto-réflexion, où elles ne se contentent plus d’être des outils mais deviennent sujet de leur propre mise en scène. Prenons, par exemple, la métaphore – ce pilier du langage poétique. Dans une tournure texturaliste, la métaphore ne se limite pas à transposer le sens ; elle s’incarne, s’autoréfléchit et se matérialise.

  • Métaphore incarnée:
    • La métaphore texturaliste s’inscrit dans une dimension où elle se reflète elle-même. Comme une « métaphore jaunie », elle prend l’aspect des pages d’un livre ancien, narrant non seulement l’histoire mais devenant le récit lui-même, une entité palpable, chargée de l’écho des siècles.
      • Exemple : « Un vaisseau spatial, laissant derrière lui un sillage d’épiphores stellaires et de métonymies cosmiques. Une ellipse émeraude se détache, ombre joueuse, évanescente, à travers une pénombre insondable, un espace qui s’étend, inexploré, le grondement sourd des virgules« 
  • Autoreflexivité des signes de ponctuation:
    • Le signe dièse (#), dans son rôle renouvelé, s’observe et s’interroge. Il n’est pas simplement posé ; il est conscient, réfléchissant son rôle dans le tissu du récit. Le dièse texturaliste évoque non seulement une intersection, mais aussi une introspection, suggérant une complexité qui dépasse la simple coordination des mots pour entrer dans une dimension de résonance auto-réflexive.

Thématiques des livres texturaliste

Le texturalisme, étant axé sur la fusion du texte (bidimensionnel) et de la texture (tridimensionnelle), voudrait que le lecteur « touche » et « sente » les strates du texte. En tenant compte de cette définition, voici les thématiques qui pourraient être abordées dans les romans texturalistes :

  • La matérialité du langage: Les romans texturalistes pourraient explorer comment les mots ont un « poids », une « épaisseur » et une « profondeur ». Les récits pourraient se concentrer sur la palpabilité des mots, leur sonorité, leur rythme, et comment ils « résonnent » ou « réverbèrent » dans l’espace.
  • La superposition des réalités: De manière similaire à l’impression 3D qui construit un objet couche par couche, les récits pourraient être construits en superposant différentes réalités, temporalités ou perspectives, offrant ainsi une expérience narrative dense et stratifiée.
  • L’interface entre le tangible et l’intangible: Les romans pourraient explorer comment les expériences intangibles (émotions, pensées, rêves) peuvent avoir des manifestations tangibles, et vice versa.
  • La transcendance des limites: En brisant les barrières entre le bidimensionnel et le tridimensionnel, les récits texturalistes pourraient également aborder des thèmes de transcendance, d’évasion et de dépassement des limites personnelles et sociétales.